Notre collègue Pierre Van Damme prend sa retraite et publie ses réflexions à l’occasion de ce moment particulier : la fin d’une carrière de psychothérapeute.
Ce texte peut nous concerner tous en tant que professionnels en exercice (débutants ou chevronnés) curieux d’anticiper voire de traverser au mieux ce moment incontournable de notre vie sociale, mais également en tant que patients ou simples humains devant affronter de façon consentie ou subie les étapes majeures de nos existences toujours susceptibles de bouleverser nos prévisions individuelles.
Présenté dès la préface par Gilles Delisle (1) comme «…sans contredit un homme de science, rompu aux exigences de l’évaluation en continu de l’état mental de son patient, aux subtilités de la relation thérapeutique dans ses dimensions réelle, transférentielle et herméneutique… » mais également comme artiste, Pierre Van Damme, soucieux de préparer une année à l’avance son départ à la retraite entend y saisir l’occasion de théoriser sur le métier de psychothérapeute en général et d’en partager son expérience personnelle, tout en y associant les témoignages croisés du ressenti de ses propres patients. Habité par le souci de «réactualiser les données théorico-cliniques, de tenir compte de l’évolution des enjeux sociétaux et des nouvelles avancées scientifiques notamment en neurosciences» (2), se réclamant la Psychothérapie gestaltiste des Relations d’Objet (3) qui l’a sensibilisé à « l’importance du lien dans la restauration de la confiance », il cherche à croiser de façon originale par la conception même de son livre mode d’action et rencontre réelle, compétence réflexive et compétence affective.
L’exercice est en effet complexe…
Sa double référence à la méthode gestaltiste et à la prise en compte de la subjectivité conjointe des partenaires de la dyade thérapeutique l’amène à présenter en alternance notions théoriques, théorie du développement, observations personnelles et témoignages verbaux enregistrés d’une dizaine de ses patients, le tout agrémenté de brèves créations poétiques.
Désireux de conjuguer recherche scientifique et partage de sa propre perception subjective, il reconnaît également dans son besoin d’écrire : « une manière de ne pas me séparer trop vite de mes patients » après 40 ans d’exercice. Un processus en marche qui se traduira au moment de sa retraite effective par de graves soucis de santé le questionnant sur son surinvestissement professionnel et sur l’enjeu existentiel que ces rencontres ont pu représenter dans sa propre vie (2). Pierre van Damme demeure en cela fidèle à son modèle Ludwig Binswanger et à la Dasein analyse : « dans son mode d’intervention le thérapeute ne montre pas mais ose la mise en jeu de sa propre existence » (3). Au-delà des concepts l’accent est mis avant tout sur la qualité de la présence du professionnel… On ne peut qu’être touché par autant d’effort pour tenter de réunir ce qui est épart dans tous nos vécus…
Nous espérons tous sans doute parvenir à intégrer théorie et pratique…élaboration intellectuelle et expérience vivante, carte et territoire. Ce livre vient témoigner du besoin de concilier méthode et Rencontre réelle…faits observables etsubjectivité incontournable (thérapeute ou patient), du désir de résoudre l’irréductible écart entre notre raison raisonnante – activant la théorie toujours en marche (4) – et notre irrépressible besoin de trouver du sens aux différents tournants (les kairos) de nos vies.
Il appartiendra sans doute au lecteur d’y puiser matière à réfléchir pour son propre compte. Peut-être même à prendre le risque de faire pour lui-même le deuil de l’efficacité et de la clarté au bénéfice de l’incertitude et de l’imprévisible ? La pleine conscience du flux insaisissable de nos multiples vécus ne nous contentera-t-elle jamais? Il nous faut pourtant bien admettre comme l’entraperçoit lui-même Pierre Van Damme que la fin en soi n’est pas ce qui compte (4) !
Recension de Marcelle Maugin, le 15 septembre 2025.
(1) Fondateur du centre de formation GIG de Montréal, Québec,
(2) « Une expérience personnelle de fin douloureuse » P. 22
(3) Pierre Van Damme : « Binswanger , un fondateur méconnu », revue de Gestalt n° 37.
(4) P.13